Devant ton écran

Dungeon Crawl Stone Soup, l’entretien

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Ils sont une dizaine, étudiants en mathématiques ou en biologie, ils vivent aux États-Unis ou en Finlande, en Israël ou en Allemagne, et ensemble développent un projet sur internet. Pourtant ils n’ont rien de jeunes loups de l’internet 2.0. Ensemble ils travaillent sur un jeu vidéo héritier direct de  la préhistoire d’internet, un rogue-like… Réalisé il y a quelques mois, et déjà disponible ailleurs, un entretien-fleuve avec Johanna Ploog, Eino Keskitalo et Haran Pilpel, trois des membres de l’équipe de développement du fabuleux rogue-like Dungeon Crawl : Stone Soup, qui en est actuellement à sa version 0.7.1. Dear english readers, please scroll down for the sorta english unedited version. Thanks !

En 1980, à l’université de Berkeley, une bande de proto-geeks, Ken Arnold, Michael Toy et Glenn Wichman donnent naissance à Rogue, un jeu absolument révolutionnaire pour l’époque, proposant d’explorer des donjons générés aléatoirement avec de splendides graphismes en ASCII (utilisant le jeu des caractères typographiques). Distribué avec une version du système d’exploitation UNIX, Rogue se répand comme une trainée de poudre chez les étudiants en informatique du monde entier. De NetHack à Angband, en passant par ADOM et Elona, le genre a connu une belle postérité dans le monde de l’open source, mais aussi des dérivés commerciaux, depuis les Mystery Dungeon de Chunsoft (Shiren the Wanderer) jusqu’à… Diablo qui n’est guère qu’une adaptation du genre au temps réel, avec évidemment tout le poli des jeux Blizzard.

Près de 30 ans plus tard, les développeurs de Dungeon Crawl : Stone Soup (à télécharger gratuitement ici) en notant qu’il faut la version graphique est  nommée tiles), sont les héritiers les plus en vue du genre. Crawl est né en 1995 des efforts de Linley Henzell, un étudiant australien, qui s’inspire d’Angband et NetHack tout en les améliorant, et dirige le projet jusqu’en 1999 avant de passer la main à la  communauté. Le développement se poursuit depuis sous la licence GPL, qui impose que le code reste accessible à tout le monde. C’est en 2006 que se forme une branche de développement nommée Stone Soup, lancée par Darshan Shaligram et Erik Piper. Aujourd’hui, Stone Soup en est à sa version 0.52, et le développement se poursuit à un bon rythme, tandis que le jeu gagne des adeptes (plus de 15.000 téléchargements pour la dernière version).

Rien de surprenant, puisque Stone Soup est peut-être ce qui se fait de mieux dans le genre. D’abord par son accessibilité, en supportant notamment une interface graphique rustique mais non dénuée de charme avec ses graphismes minimalistes qui rappellent la NES, et surtout suffisamment confortables pour ne pas rebuter le curieux, d’autant plus que la souris est supportée. Mais ce n’est évidemment pas pour le bonbon oculaire qu’on se jette sur un obscur programme open source. Avec des années de test et d’itérations, la participation de joueurs exigeants et de développeurs dévoués, Stone Soup est surtout un jeu extrêmement accrocheur, au gameplay aussi riche que balancé, proposant un luxe de niveaux, de loots, d’ennemis sans jamais perdre sa solidité. A la finesse du combat tactique au tour par tour qui caractérise le genre, Stone Soup ajoute une large palette de choix. Selon le type de personnage, les règles et l’équilibre du jeu seront profondément modifiés tout en restant solides comme le roc. Evidemment, le jeu est dur comme le diamant, la moindre erreur ne pardonne pas, d’autant plus que la mort est forcément définitive. Et le dieu des aventuriers sait qu’entre les trolls féroces, les serpents virulents et les sorciers déchaînés la mort est à chaque tournant du dédale… Le jeu n’en reste pas moins prenant, que ce soit pour essayer une nouvelle espèce de personnage ou pour aller un petit peu plus profond dans le donjon, difficile de le lâcher une fois qu’on a mis la main dessus. Stone Soup, qui tourne sur à peu près tout ce qui ressemble de près ou de loin à un ordinateur personnel, squattera vos disque durs des années durant.

Entretien avec Johanna Ploog, Eino Keskitalo et Haran Pilpel, trois des développeurs derrière le jeu gratuit le plus prenant au monde, remède magique à la productivité des travailleurs de l’ère numérique.

Développer un jeu open source


Pouvez-vous nous décrire le fonctionnement de l’équipe ? Beaucoup de nos lecteurs ne savent pas comment fonctionne un projet open source. Combien êtes-vous ? Il y a-t-il une hiérarchie, une division des tâches ?

Haran : Stone Soup est un cas un peu spécial, puisque nous avons un développeur qui ne code pas (David Ploog ; auparavant Erik Piper), mais il n’y a pas de réelle division des tâches – tout le monde est libre de travailler sur ce qui lui chante, mais chacun d’entre nous a ses préférences.

Eino : En fait j’ai été invité dans l’équipe pour mener des tâches bien précises : tester la version Windows, gérer les demandes des utilisateurs… Je suis content de ce rôle, mais ça ne m’empêche pas de contribuer au code et aux graphismes – ce n’était pas prévu à la base, mais on avait besoin de monde dans ces domaines.

Johanna : Je savais bien qu’on avait une raison de t’inviter. 🙂

Haran : On a aussi des patchs de l’extérieur, venant des joueurs, qui ajoutent des données où contribuent au code.

Johanna : Actuellement , on a environ huit ou dix développeurs, mais la majorité d’entre eux n’a pas beaucoup de temps à consacrer à Crawl pour le moment. Du coup, on a pris la décision de laisser beaucoup de modifications intéressantes mais pas indispensables à ces programmeurs externes, qui en plus nous filent des coups de main quand on rencontre des soucis. On peut même dire qu’à long terme c’est un investissement dans de futurs membres de l’équipe de développement.

Eino : En fait, le développement ne se limite pas du tout à l’équipe, mais concerne une communauté plus vaste qui s’est formée autour du jeu. Beaucoup de ces patcheurs choisissent une fonctionnalité qu’ils aiment, dont l’équipe a discuté, qui a été réfléchie, mais qu’aucun d’entre nous n’a eu le temps d’implémenter. Par exemple, ça fait des mois qu’on parlait d’un monstre, le kraken, une gigantesque pieuvre avec des tentacules indépendants… Il y a pas très longtemps, un membre de la communauté extérieur à l’équipe a fini par le programmer. C’était un vrai bonheur de voir enfin ces tentacules s’agiter, et évidemment ça donne envie de poursuivre de notre côté.

Vous vous êtes déjà rencontrés dans la vraie vie ?

Haran : Non, je n’ai jamais rencontré les membres de l’équipe, mais c’est parce que j’ai manqué l’IRDC (International Rogue-like Development Conference) à Berlin. J’aimerais vraiment rencontrer les autres !

Johanna : Et cette année, à l’IRDC de novembre ? J’y serai !

Comment gérez-vous les conflits ? Il doit y en avoir, c’est inévitable, non ?

Haran : Les conflits sont relativement rares ; au niveau du gameplay, la plupart du temps, les décisions controversées sont discutées et finissent par être approuvées plus ou moins à l’unanimité. Pour le code, on a des standards relativement tranquilles, même si on se relit les uns les autres, comme toujours quand un code est public.

Johanna : Toutes les modifications du code passent sur une mailing-list, si bien que tout le monde peut voir ce qui se fait. Si quelqu’un a un avis différent, il peut entamer une discussion. Parfois ça chauffe un peu, mais la plupart du temps on finit par trouver un  compromis.

Eino : Pour le gameplay, le risque c’est la dilution par le consensus, ou l’effet « création par comité ». Les changements de gameplay, s’ils sont majeurs, risquent de ne pas plaire à tout le monde. Durant le projet Stone Soup, un bon nombre de possibilités et de contenus (par exemple des classes et des races de personnages) ont été coupés, et ça cause souvent des controverses, notamment avec les joueurs. Heureusement, dans le manuel nous avons une section consacrée à la philosophie du jeu, que David Ploog a écrite, et qui nous aide souvent pour prendre des décisions.

Est-ce que pour vous le développement open source est quelque chose de politique ? Un refus de l’avidité par exemple, ou bien ce n’est qu’une manière pratique de partager un loisir ?

Haran : Je suis utilitariste. L’open source est la solution la plus simple, la moins onéreuse, la plus rapide et la plus effective pour mener à bien le projet, du coup c’est celle que nous utilisons. Enfin c’est mon point de vue. Crawl est un loisir. Dans ma philosophie, le développement clos a sa place, pour des projets commerciaux ; mais tout n’est pas commercial. Je pense que donner de son temps pour que les gens s’amusent est une chose morale ; c’est une des nombreuses raisons qui me font travailler sur Crawl.

Eino : Il y a une différence entre le free software et l’open source ; ils reviennent plus ou moins au même dans les faits, mais si le premier utilise des arguments politiques, le second se base sur des raisons pratiques. Pour moi, les deux points de vue sont valables. Dans notre cas, nous sommes dépendants du choix de Linley, qui a choisi une licence GPL obligeant à garder tout le développement sur Crawl open source. En fait je suppose que les gens qui veulent bosser sur Crawl sont avant tout des fans du jeu, plutôt que des développeurs open source qui cherchent à coder sur un bon petit projet vidéoludique. A vrai dire, vu l’état de l’industrie vidéoludique, travailler sur un bon jeu gratuit qui semble voler des heures et des heures à ses joueurs – alors qu’ils pourraient jouer et surtout acheter des jeux commerciaux… c’est totalement immoral ce qu’on fait ! Je blague évidemment, pour le moment on n’est pas encore tout à fait concurrents de World of Warcraft.

Johanna : Je répondrai comme Haran, ce qui compte pour moi c’est le côté pratique. Je ne pense pas être capable de créer un jeu toute seule, mais j’adore programmer, et j’adore les jeux vidéo, alors c’est un choix évident de travailler sur un projet open source. Au début, de toutes façons, j’aimais le jeu et j’avais envie d’y contribuer, ce qui n’aurait pas été possible si mon jeu favori avait été en source close.

J’ai lu une estimation du prix de revient de DC : SS si le projet avait été professionnel : de l’ordre de 5 millions de dollars. Ca vous semble correct ? Vous ne regrettez pas d’avoir donné gratuitement tout ce difficile travail ? Avez-vous l’impression que vos efforts sont suffisamment reconnus ?

Haran : Ca me semble une estimation très élevée. Evidemment, une partie du travail a été fait avant nous par Linley. En pratique, je pense que j’ai dû consacrer à Crawl l’équivalent de plusieurs mois de travail (étalés sur une période plus longue, évidemment). Même en multipliant par le nombre de développeurs, je ne pense pas qu’on arrive à 7 chiffres… Et puis il ne s’agit pas de « donner gratuitement » un « travail difficile », pas plus que les gens qui jouent au basket en bas de la rue ne « donnent » de leur temps ; si je bosse sur Crawl, c’est parce que ça m’amuse. Au départ, j’ai commencé à coder sur Crawl pour corriger des petits détails qui m’ennuyaient en temps que joueur, et puis de chat en aiguille…

Il y a deux bonus : d’abord, mon travail est reconnu.  On m’a déjà dit « Oh, tu es un des développeurs de DCSS ! Crawl c’est cool ! » et ça fait du bien. Et on reçoit de temps en temps du courrier de fans, les gens nous disent qu’ils adorent Crawl, en tout cas ils le font souvent lorsqu’ils nous signalent des bugs pour ne pas qu’on se sente trop coupables. :))

Ensuite, je profite de l’expérience. J’ai appris des tas de choses en programmation ; comment bosser sur un projet collectif ; comment écouter les utilisateurs… Mon rôle de développeur sur Stone Soup est en bonne place sur mon CV. Pour ne pas décourager les idéalistes, il faut que je précise que je n’avais aucune idée de ces bénéfices quand j’ai commencé à coder sur le projet. 🙂

Eino : Oh oui, l’expérience est utile – c’est peut-être ce que j’ai fait de plus utile pour mes études ces dernières années. J’étudie l’informatique à l’université d’Oulu en Finlande, et j’essaye de décrocher une licence, je rédige un mémoire consacré à la création de jeux en open source, et c’est évidemment le travail sur Stone Soup qui m’a inspiré… Et puis c’est tout bonnement fascinant de travailler sur un jeu que j’aime… J’adore quand les joueurs me parlent des niveaux que j’ai créés pour le jeu.

Johanna : C’est pareil pour moi. Oh bien sûr, on fait des exercices de programmation à la fac, mais ce n’est pas comparable à un projet de l’ampleur de Stone Soup. J’étais un peu embarrassée à propos de mon hobby, je me disais « ce n’est qu’un jeu vidéo », mais à présent j’ai réalisé à quel point j’avais appris de ce projet…

La question de savoir combien d’argent pourrait rapporter un jeu commercial comparable me traverse l’esprit de temps à autre, mais ce n’est jamais qu’une conjecture. Je ne pense pas que ce serait aussi fun si j’étais payée pour Crawl. De toutes façons, je ne pense pas qu’on en soit à des millions de dollars… Encore que, si on considérait tous les testeurs qu’il faudrait payer… En tout cas, en ce qui concerne la reconnaissance, c’est génial de savoir que Stone Soup a des milliers de joueurs, et à chaque dois que je reçois un mail ou que je lis un forum plein de réactions positives, ça me rend joyeuse ! Recevoir une paye à la fin du mois me faciliterait la vie me ce ne serait certainement pas la même chose…

Nouvelle école ? Ancienne école ?


Un peu plus tôt vous nous parliez du manifeste qui pose les bases de Stone Soup, qui résume vraiment la philosophie du jeu. Comment a-t-il été écrit ?

Eino : c’est un outil de travail, un document assez léger qui nous permet d’établir les priorités de game design.

Johanna : C’est David Ploog, qui n’est pas codeur, mais qui s’occupe de la documentation, du level design et de la communication avec les joueurs, qui est l’auteur de ce document… Il s’est sans doute inspiré de discussions autour du game design de Crawl et d’autres jeux, je ne me souviens plus bien. C’est aussi lui qui trace les grandes orientations du projet. En fait il a un rôle clef, et même si au départ ce n’était pas prévu de la sorte, il s’en sort bien dans son rôle de project manager, peut-être justement parce qu’il ne programme pas lui-même.

Vous faites souvent appel à ce document durant le développement ?

Eino : Il a été écrit assez tôt durant le projet Stone Soup, ce qui signifie qu’il est venu assez tard dans le développement d’ensemble de Dungeon Crawl. Je le vois comme à la fois une analyse de l’essence de Dungeon Crawl après 10 ans de développement, et un manifeste pour le développement à venir. J’aime ce texte, il me paraît réussi sous ces deux objectifs. Bien sûr, nous ne pouvons pas parler pour Linley, savoir ce qu’étaient ses idées et ses visées. Mais le jeu a beaucoup de caractère. De temps à autre quelqu’un dit « ce serait une façon très crawlienne de réaliser cette idée », ou « cette proposition n’est absolument pas crawlienne ! », « je ne pense pas que ça marcherait avec Crawl » (je joue souvent ce rôle de gardien du temple). Bon, évidemment, tout le monde aura une idée différente de l’essence du « crawlien ». 🙂

Johanna : Je ne sais pas si on se réfère activement au document, mais il est assez utile lorsqu’on débat de nouvelles idées, notamment avec des joueurs qui ont nécessairement des intérêts divergents (ils veulent des choses cools, des objets magiques et des sorts surpuissants) de ceux des développeurs (la balance du jeu, la suppression des objets et des sorts surpuissants…).

En bref la philosophie de Stone Soup comporte plusieurs points, qui sont expliqués dans le document : gameplay difficile, basé sur l’aléatoire mais où la compétence du joueur est primordiale ; des décisions qui ont un sens ; pas de grind de powerleveling ou de farming ; rester accessible aux débutants, avec une interface abordable… Et puis aussi des points plus mineurs mais qui valent la peine d’être rappelés : la clarté, la consistance interne du système de jeu, un travail sur la replay value, et puis l’utilisation de monstres « hors-niveau ». Pour clarifier ce dernier point, les monstres « hors-niveau » sont un des trucs marquants de Crawl : certains monstres qui en général n’apparaissent que tard dans le jeu ont une très faible chance d’arriver très tôt : du coup le joueur ne sait jamais à quoi s’attendre. De temps en temps cela provoque des morts injustes, mais il y a souvent un moyen de s’enfuir, et du coup de renforcer la sensation d’accomplir un exploit.

Eino : Ca me rappelle à quel point la fuite est une des choses qu’il faut maîtriser dans Crawl. C’est pour ça qu’il y a trois escaliers vers le haut et trois vers le bas à chaque niveau du donjon – si vous rencontrez un truc impossible à battre, il y a toujours moyen de le contourner. Avec un peu d’expérience (après beaucoup de tentatives et de morts) on finit par se rendre compte quand la situation risque de poser problème au personnage…

Le rogue-like est un vieux genre. N’hésitez pas à corriger, mais la plupart d’entre vous n’étaient même pas nés à la sortie de Rogue en 1980. Vous vous sentez « old-school » ?

Haran : Je suis né juste à temps. 🙂 Ca fait bien dix ans que je n’ai pas joué à un jeu « récent » ; en général je n’ai pas Windows installé sur mon ordinateur, qui est souvent un peu vieux (étudiant désargenté), etc. Mais d’un autre côté je considère que Crawl est un jeu très « moderne » ; l’interface et le gameplay sont très sophistiqués. NetHack, ok, c’est old-school. Je n’ai rien contre les jeux de la nouvelle génération ; c’est juste que j’aime Crawl.

Johanna : Etre « old-school » ne me dérange pas du tout. J’ai grandi en jouant à NetHack et Bomberman….

Eino : Ooh, Bomberman, c’est tellement bon !

Johanna : … Et même si je jouais et que j’appréciais des jeux plus conventionnels comme par exemple Zork ou Myst (jeux d’aventure qui ne datent pas d’hier, NDLR), la simplicité et l’aspect rejouable de ces vieux jeux a quelque chose d’incomparable. En fait, la seule chose qui me manque avec Linux en ce moment, c’est de ne pas pouvoir jouer à mes jeux d’aventure textuels favoris, parce qu’ils sont tous sur Windows.

Eino : Je suis de l’avis d’Haran, DCSS est assez moderne pour ne pas être considéré comme complètement « old-school« . Pour moi, les rogue-likes ont quelque chose d’intemporel du point de vue ludique. Avec la fluidité de l’interface de Stone Soup, j’ai tout de même du mal à retourner à NetHack ou ADOM (Ancient Domains of Mystery, un rogue-like développé depuis 1994, NDLR). Mais je demeure un rétrogamer, enfin pas le genre intransigeant. Je joue aussi à de nouveaux jeux, mais je suis toujours un peu à la traîne… Ca ne fait qu’un an environ que je me suis mis à la Playstation 1 & 2, par exemple. 🙂

Vous sentez-vous malgré tout connecté à l’industrie vidéoludique contemporaine ? Est-ce qu’elle vous intéresse, est-ce que vous voudriez y travailler ? Deux des derniers développeurs que nous avons interviewé étaient fous d’Arkham Asylum… Ca vous dit quelque chose ?

Haran : (jamais entendu parler d’Arkham Asylum, je vais sur Wikipedia… Oh, il faut Windows ou une console…. Alors, non. )

Je n’ai jamais fait partie de l’industrie vidéoludique, et je n’y connais pas grand chose. Travailler comme développeur, pourquoi pas ; je n’y ai jamais réellement pensé… C’est un peu comme si vous me demandiez si j’avais envie de faire pilote d’avion…

Johanna : Je n’ai pas joué à Arkham Asylum, mais le nom me dit quelque chose, enfin de loin. Je ne suis pas l’industrie, même s’il m’arrive de temps en temps de lire dans les journaux ce qui s’écrit sur les sorties. Je ne sais toujours pas ce que je ferai après les études… Développeur de jeu ? Vraiment, je ne sais pas, c’est toujours possible je suppose.

Eino : De mon côté je suis un peu l’industrie, mais je m’intéresse plus aux indés qu’aux jeux grand public. Je fais partie d’une start-up née d’un projet étudiant, et j’espère bien devenir développeur pro. En fait à Oulu il y a pas mal de développement de technologie vidéoludique  en open source.

Accessibilité ?

L’accessibilité est très importante pour les joueurs. Stone Soup est peut-être le rogue-like open source le plus facile d’accès, mais pensez-vous qu’il reste encore du chemin à parcourir ? Est-ce que vous pensez que vous pourriez « engager » des développeurs spécialisés dans l’interface ou des graphistes ?

Haran : On a fait beaucoup d’efforts sur l’interface de DCSS. Je ne suis pas certain qu’il reste beaucoup à faire, mais il est toujours possible de faire mieux. Pour les graphismes, j’en ai aucune idée, j’ai toujours préféré l’ASCII. Hé, je lis mes emails sur un terminal 80×24 avec des logiciels gnus. Enfin, les graphismes semblent contribuer à rendre DCSS plus populaire. Une direction intéressante serait de rendre Crawl jouable sous Android (système d’exploitation open source pour les smart-phones, NDLR), où les touches sont limitées. Mais je ne sais pas si des gens y travaillent.

Eino : Ce serait intéressant de voir Crawl adapté pour des machines à écran tactile. En fait, il y a un port homebrew pour Nintendo DS, et même une version Wii ! Mais je ne les ai jamais vus de mes propres yeux.

Johanna : En tout état de cause, l’accessibilité est un des buts essentiels de Stone Soup, qui est souvent considéré comme le rogue-like avec la meilleure interface, et nous sommes très fiers de cette position, nous faisons de notre mieux pour rester les premiers dans ce domaine. Il reste encore du travail pour rendre tout accessible à la souris, y compris les options les plus exotiques, par exemple en les automatisant. Un autre point essentiel, c’est la documentation présente dans le jeu (avec des descriptions des monstres et des objets), et évidemment le tutoriel qui guide le joueur débutant dans les premiers niveaux du jeu. On est encore loin de la perfection, mais on y travaille !  En tout cas je voudrais en profiter pour remercier Denzi and Mitsuhiro Itakura, les artistes qui ont dessiné les éléments de la version graphique.

Vous avez réalisé un sondage qui montrait que beaucoup de vos joueurs étaient originaires de pays anglophones… Ce qui, assez paradoxalement, n’est le cas d’aucun d’entre nous… Vous pensez que le jeu bénéficierait de versions traduites ? Est-ce que ce serait facile à réaliser ?

Johanna : Ce serait un vrai plus, mais ça ne serait pas facile. Beaucoup de texte est directement enfoui dans le code, et il faudrait traduire tout cela. Et le pire c’est que comme Stone Soup est continuellement en développement, et à un bon rythme en plus, on ne pourrait pas se contenter de créer une nouvelle branche. Il faudrait tout réorganiser, mettre tout le texte dans des fichiers séparés… Bref un sacré travail ! Mais si un de vos lecteurs a envie de patcher le code et de traduire le jeu, il aurait tout notre support. 🙂

Haran : Oui, ce serait un sacré boulot : non seulement traduire le texte, mais il faut savoir que la grammaire est intégrée au code un peu partout. Ce serait vraiment pas facile.

Eino : S’occuper de la traduction et de sa maintenance serait un autre exemple d’une tâche pour un non-programmeur, preuve qu’ils peuvent être utiles dans un projet open-source.

Le rogue-like, une leçon de vie ?

Vous pensez qu’on peut tirer des leçons de vie en jouant aux rogue-likes ?

Johanna : Eh ? Cette question me fait penser aux gâteaux porte-bonheur de Nethack, mais j’imagine que ce n’est pas de ça qu’il s’agit. Peut-être que la persévérance paye ? A vrai dire, je n’en sais rien.

Haran : tuer les lettres et ramasser la ponctuation. 🙂 (NDLR : on se souvient qu’en mode d’affichage ASCII le monde n’est composé que de symboles typographiques).

Eino : Des leçons de vie, j’en sais rien. Mais la mort définitive des personnages est au cœur des rogue-likes. Si vous mourez, on reprend depuis le début. La génération aléatoire des niveaux est aussi essentielle parce qu’elle rend chaque partie unique. C’est une belle paire de mécanismes. Hmm. Je ne suis pas certain de répondre à la question.

Ok, précisons. Admettons que je sois un joueur plutôt mauvais, qui ne joue pas réellement pour gagner. Même si je n’ai ni le temps ni l’énergie pour réellement progresser, je peux tout de même m’amuser avec Stone Soup

Eino : C’est une manière tout à fait valable de jouer. Avant je jouais comme ça, et ça m’arrive encore souvent de le faire – ne pas essayer de maximiser mes chances de gagner, mais essayer des choses amusantes, ou même me mettre dans la peau du personnage. C’est vrai que dans la communauté, ce sont les joueurs les plus optimisateurs qui se font entendre, et c’est important qu’on se rappelle qu’il y a des gens qui prennent leur pied sur le jeu même sans chercher à gagner. ca me fait penser à la devise de Dwarf Fortress, « losing is fun ! « , qui s’applique bien à Crawl. Perdre est une expérience importante pour apprendre et comprendre ce qu’il aurait fallu faire différemment.


Les jeux vidéo peuvent aussi avoir un sens dans la mesure où ils nous révèlent nos défauts. Par exemple, quand on pense rapidement, c’est assez utile, mais ça peut devenir un handicap dès qu’il faut se mettre à réfléchir sérieusement et qu’on se précipite : on s’en rend bien compte dans Crawl. Et puis dans les rogue-likes, comme vous l’expliquiez, on n’a qu’une vie… Du coup le moindre choix peut avoir de l’importance et mener à des résultats improbables : de même qu’on peut rencontrer sa future femme par hasard dans le bus, on peut avoir la vie sauve parce qu’on a conservé un parchemin apparemment insignifiant. Et puis de temps en temps, on a beau faire de son mieux, et on se fait tout de même avoir, que ce soit par la vie, ou par le générateur de niveaux… Bref, dans les rogue-likes l’avatar me paraît bien plus humain que dans la majorité des jeux vidéo. En un sens, à chaque fois que je joue à Stone Soup, je me souviens de la fragilité de la vie humaine…

Eino : C’est tout à fait valable. Je pense les jeux vidéo sont capables d’évoquer tout cela aussi bien que n’importe quelle forme artistique, et les jeux vidéo sont bien une forme d’art. Je suppose que je m’intéresse plus à la forme elle-même qu’à son sens (d’où mon commentaire sur les deux mécanismes fondamentaux du genre et leur beauté), si bien que je ne m’interroge pas forcément de la même manière. Mais c’est vrai que c’est intéressant cette idée que le jeu révèle nos défauts.  L’interactivité pousse le joueur à agir, il y a quelque chose à voir là-dedans.

En un sens on a déjà évoqué ce point… Mais ça vous fait quoi de savoir qu’il y a des joueurs qui préfèrent Stone Soup aux dernières nouveautés ?

Johanna : En un sens, je ne pense pas que ce soit un problème ! Pas pour nous, en tout cas. 😀 Hmm, et c’est pas si mal pour les joueurs, quand on considère les prix et la qualité de ces nouveautés !

Dans certains cercles, les rogue-likes sont assez tendance, et DC : SS est assurément un des plus populaires. Vous avez l’impression de faire partie de quelque chose de spécial ?

Johanna : Tendance ? Vous n’étiez pas en train de nous dire à quel point nous étions old-school ? Bien sûr que j’ai l’impression de participer à quelque chose de spécial, parce que je joue un rôle important dans la création d’un jeu que le gens aiment, et qui les amuse. Mais je ne pense pas lancer une tendance ou quoi que ce soit, c’est une drôle de question pour être honnête.
Haran : Je pense que DC : SS est un des meilleurs jeux du genre, et je suis fier de participer.

Eino : De mon côté, j’ai l’impression que le jeu gagne en popularité, ce qui est assez excitant à suivre. Mais ça reste tout de même un titre de niche.

Un conseil pour nos lecteurs qui voudraient devenir de meilleurs joueurs de rogue-like ? Ou peut-être un code secret, exclusif pour nous ? Promis, on ne dira rien !

Johanna : Non, pas de code secret, désolée ! Je pense que le mieux c’est encore d’aller online regarder les experts jouer, c’est sans doute le meilleur moyen de progresser tactiquement.
Eino : J’essaye de garder deux choses à l’esprit, qui m’ont aider à finalement battre le jeu deux fois, peut-être qu’il y a une leçon de vie à en tirer : d’abord le jeu est au tour par tour. Si vous êtes dans une situation délicate, ça ne sert à rien de jouer plus vite. Il faut prendre le temps de peser chaque mouvement, et de considérer toutes les possibilités qui s’offrent à vous. Si vous commencez à jouer sans faire attention, sauvegardez le jeu et reprenez la partie un peu plus tard.

Beware, almost unedited english version beyond this point !

DEVELOPING AN OPEN SOURCE GAME

Can you describe us how the « team » is working. I’m afraid a lot of people don’t know how an open source project works. How many are you ? Is there a hierarchy ? A division of labor, like one of you is more of a programmer, while another one is mostly working on gameplay ?

Haran : Stone Soup is relatively rare in that we have non-coding developers (David Ploog; formerly Erik Piper.) There’s no specific division of labor – anyone is free to work on anything – but everyone has his/her preference.

Eino : Actually, I like that I was personally invited to the team with specific areas of responsibility – testing Windows version, managing feature requests and some of the user submitted content. This  works very well for me, but yeah, that doesn’t block me from contributing little tweaks to the code and some graphics – I figure it certainly wasn’t meant to, but those were specific areas that could use some more workpower (and I was pretty much working on those anyway.)

Johanna : Right, there was a reason we invited you. 🙂 This actually highlights another division line : Crawl comes in a non-graphical version (using letters and similar symbols for drawing the map, items and monsters) and a graphical version using tiles. Most of our developers play and code for the former, whereas Eino, Enne Walker and I use the latter for playtesting and coding. Naturally, this means that the three of us get to decide about any changes in the tiled version, both when it comes to adding new tiles and concerning interface improvements.The operating system is another important distinction between developers. Most of us use Linux, so all bugs specific to Windows or Mac have to be handled by the few of us who use these OSes, which actually is a big problem if we’re dealing with serious bugs and the developers in question are busy with real life at the moment.

Haran : Plus, we get patches from the outside. These fall into two categories: long-time players who contribute data ; and coders who submit patches, which is a rarer occurrence.

Eino : I feel like the number of code patches is increasing recently, though.

Johanna : Oh, it certainly is, and it’s no coincidence either. We’ve got about eight or ten developers at the moment (depending on who you count), but most of them don’t have a lot of time for Crawl right now. This led us to the decision of marking many desirable but low priority features as patch
material for outside coders to work on. The fact that outside patches usually have been integrated quickly shows that we really appreciate the work of these coders, and it also helps that we’ve always been willing to assist with coding problems etc. You could even call it a long term investment into future devteam members.

Eino : Our previous major version (0.5.) had a good bit of its new content/features implemented by outside patchers, and the trend seems to be continuing. This is a great example of how the development isn’t just about the development team, but about the bigger community around the game.

Many patchers seem to pick up a feature request they like, that has gone through discussion, that has been gone through the initial design phase, but has no dev team coder to actually implement it and so would have to wait months to be implemented by the members because they are working on other things. This is very exciting to see. One of the outside additions is monster called kraken, a giant octopus-like creature with a bunch of independently-operating tentacles. This idea has been on the table for the longest time, and we recently got an implementation from outside. Seeing those tentacles finally flailing about was pretty inspiring.

Did you ever met IRL ?
Haran : I’ve never met any of the other Stone Soup participants IRL, but that’s just because I missed IRDC Berlin. I’d like to.

Johanna : What about this year’s IRDC (International Roguelike Development Conference) in November? I’ll be there!

How do you mitigate conflicts between diverging views ?
Haran : Conflicts are relatively rare; on the gameplay front, almost always, controversial decisions get discussed and more or less unanimously approved. Since we our coding standards are relatively soft, there isn’t much of a hierarchy on the coding front; there is (or was – I haven’t touched the code for months) some degree of coding review inherent in a public code tree.
Johanna : Something that’s really handy is that all changes to the code are sent over a special mailing list, which makes it easy for developers and non-developers alike to see what is currently being worked on. If you think something should be done differently you can reply to the mail and start a proper discussion. Sometimes these debates can get a bit heated, but most of the time they are fairly easy to resolve.
Eino : I think, with gameplay, there is a risk of diluting it by consensus or « design-by-committee » effect. Gameplay changes, if they’re significant, are unlikely to please everyone. During Stone Soup, a
good number of features and content (player character species for instance) have been cut (so it’s not about just adding stuff!), and these are often controversial, especially with players. It helps that we have a written down design philosophy section in the manual (written by David Ploog) which can help when it comes to design decisions.

Haran : In general, there are a few ways changes happen:

– Bug squelching happens independently with each developer, though of course people tend to feel responsibility for bugs they’ve caused and fix them. If there’s a specific bug assigned to someone, that’s a request that they take a look at it, which they will, and either fix it, pass it on to someone who can fix it better, or leave it unresolved for the time being.

– Someone comes up with an interface improvement – this generally comes from the FRs – and implements it (or bumps priority, so as to get other people interested in implementing it.)

– Significant gameplay changes are discussed on c.r.devel or c.r.discuss, a rough consensus is reached, and then someone picks up the job of implementing it.

Eino : This also occurs on the Feature Request tracker, where more of the player base is chiming in. The most active ones are on the mailing list too. The FR tracker is a bit hard to follow (as we get a lot of FRs), but it’s web-based and you can write comments without logging in, so it’s easier to give input there.

Haran : – Significant code rewrites without gameplay effects will generally be mentioned before implementation and done by one developer.

Do you see open-source as a political statement, a posture against greed, or is it just a convenient way to share a hobby ?

Haran : I’m a utilitarian. Open source development is the simplest, cheapest, fastest and most effective way to get the project together, so it’s what we use, from my point of view. Crawl is a hobby. In my philosophy, closed-source has its commercial place; but not everything is commercial. I do think that donating time and effort for people’s enjoyment is a good thing, morally; this is one of many reasons why I started working on Crawl.

Eino : There’s a distinction between free software and open source, which are pretty much the same thing but the first uses political arguments, while the latter has a practical argument: open source is a good way to produce working software. I find both viewpoints valuable. In this we are however bound by the fact that Linley chose a GPL-style license that mandates to keep all released Crawl development open source. I would guess people interested in working on Crawl are Crawl fans
first, rather than OSS developers looking for a cool game project to work on.

I have to say, the state that the gaming industry is in currently, working on a good free game that seems to be consuming hours and hours of time from its players – time they could be spending playing and buying commercial games.. it’s completely immoral! I’m joking of course.. Crawl is obviously not as big as World of Warcraft just yet!

Johanna : Like Haran, I am mostly practical about this. I don’t think I’d ever be able to create the content needed for a game of my own, but I love programming and I love computer games, so writing code for an open source computer game seemed like the obvious choice. Not that I considered that when I started out, I simply happened to like the game and wanted to contribute to it, something that would have been impossible if my favourite game had been one of the closed source and/or commercial kind.

I read somewhere an estimation of what DC : SS would have cost if it was a commercial project : around 5 million dollars. Is it correct ? Don’t you regret  you’ve given all this hard work for free ? Do you feel you get the recognition you deserve for your work ?

Haran : That estimate seems very very high to me. I also don’t know how much of that would be Linley’s work, which of course the current DCSS team does not deserve credit for. In practice, I think I’ve invested a total on the order of several months’ working time in Crawl (spread out, of course, over a much longer time period); at current rates, and multiplying by the number of people on the team, I don’t see that as reaching seven figures.

It’s not « giving away hard work for free » any more than people playing pickup basketball games are « giving away » their time; hacking on Crawl is fun, and that’s why I did it. Like so many other open source developers, I started from writing small and then increasingly large patches to fix inconveniences in the original Crawl codebase, inconveniences which bothered me when I was playing Crawl.

There are two bonuses: one, I do get recognition from my work; there have been a few people I met who said « Oh, so *you’re* that DCSS developer! Crawl is cool! » That’s a really good feeling. Plus there’s the [admittedly limited] fan mail we get, describing how much people enjoy Crawl (often attached to a bug report so as not to make us feel too bad about how we screwed up something :)).

Two, hacking on Crawl is a useful experience. I learned stuff about svn that I didn’t know before; how to work on a shared project; how to handle the interface between a coding and noncoding developer; how to listen to the userbase; how to squelch bugs; and some specific technical skills, like the Lua language. And of course, keeping your C++ programming skills sharp can’t hurt. Being a DCSS developer appears on my CV; it helps. In the interest of idealism, I should mention that I didn’t know about either of these benefits when I started working on the project. 🙂

Eino : I absolutely agree on the usefulness of the experience – it’s perhaps the most useful thing I’ve been doing in the recent years regarding say my studies. I’m a student at Oulu University, studying Information Processing Science (pretty much computer science), and I’m trying to scrape together a bachelor’s degree. Computer games is the reason I’m studying computer science, and my bachelor’s thesis is about game design in open source projects – the topic is very much inspired by the Stone Soup project. It’s also simply very exciting to be working on a game I like. I hang out on the community irc channel a lot (##crawl on freenode), and I get a kick out of it when players come across content (such places called Sewer and Ice Cave, which were new in 0.5) I’ve made for the game. Not to mention, I get great feedback on how to improve it there!

Johanna : Same here. Sure, we got to do some programming exercises at university but working on a project as big as Stone Soup is a whole different experience. I used to be embarassed about my hobby, thinking « it’s just a computer game », but by now I’ve realized that, even discounting the programming experience, I learned a lot about working in a team, about handling « customers », and of course the many technical aspects (version control, bug trackers etc.)

From time to time I do wonder how much money could be made in a comparable commercial game but it’s mostly a philosophical question. I don’t think it would be as much fun if I were paid for programming for Crawl. However, I don’t think it’d amount to millions of dollars. Well, maybe if you count the hundreds of playtesters that also would have to be paid in a commercial context…

As for the recognition, yeah, it’s an amazing feeling to know that Stonesoup literally has thousands of players, and whenever I receive an email or read a forum comment full of glowing feedback, it totally makes my day! Receiving a monthly paycheck certainly would make life easier but it couldn’t be the same.

GAME DESIGN, OLD SCHOOL ? NEW SCHOOL ?

I was going to ask you about the design document. It really impressed me as a gaming manifesto. How was it written ?

Eino : As a (light) game design document, it’s pretty good for establishing the focus of the game design.

Johanna : As previously mentioned, we’ve got one developer (David Ploog) who’s not a
programmer but instead handles the documentation, level design, communication with players. He’s the one who wrote the design document, the contents of which are probably the result of discussions with various people about game design in Crawl and other games, but I don’t really recall.

He’s also largely responsible for keeping track of the game design (applying the design principles) and for drawing up roadmaps for the long and short-term development of Crawl. It’s a very important job, and although it wasn’t planned out this way, I feel it’s good that our project manager (I guess that’s the term you’d use) isn’t a programmer himself.

How often do you refer to it during the actual development ?

Eino : It was written fairly early on in the Stone Soup project, which means it was written fairly late in the overall Dungeon Crawl development. I see it both as an analysis of what is the essence of
Dungeon Crawl after 10 years of development already, and a manifesto for future development. I like it, I think it’s pretty successful on both accounts. Of course we can’t speak for Linley, what his ideas and aims were. But the game seems to have a lot of character. Every now and then people say things like « this would be a crawl-like way to implement this idea » or « this proposal is un-crawl-like » or « I don’t think this would fit Crawl » (I think I say that last a lot). Everyone might have a slightly different idea of the essence of « Crawliness » of course. 🙂

Johanna : I’m not sure we actively refer to said document but it does come in useful when debating new ideas, especially with players who naturally have different interests (cool stuff, powerful items and spells) than the devteam (game balance, nerf overpowered items and spells).

Here’s the short version of our Philosphy section. All points also get explained in more detail and with examples,
Major design goals:
* challenging and random gameplay, with skill making a real difference
* meaningful decisions (no no-brainers)
* avoidance of grinding (no scumming)
* gameplay supporting painless interface and newbie support

Minor design goals:
* clarity (playability without need for spoilers)
* internal consistency
* replayability (using branches, species, playing styles and gods)
* proper use of out of depth monsters

And a clarification: out of depth (ood) monsters are probably one of the first things players think of whenever Crawl is mentioned. It means that monsters that typically only appear late in the game, say dragons, have a low chance of appearing ridiculously early, so the player can never be
sure what to expect. This does occasionally lead to unpreventable deaths but a lot of the time it is possible for the player to escape (if just barely) and leave the level, which adds excitement to the whole game.

Eino : I’m reminded how escaping, running away is one of the most important skills in Crawl. That’s why there are three staircases up and down on each dungeon floor – if you encounter something you can’t deal with, you can go around it. With experience (i.e. lots of dying and retrying) comes the ability to recognise if a situation is too difficult for your character to handle.

The Rogue-like is an old genre. Correct me if I’m wrong, but I guess most of you weren’t even born in 1980 when the original Rogue was coded. How do you feel about being « old school » ?

Haran : I was just in time to be born. 🙂

I haven’t played « new » games for a decade or more; this is for a few reasons, such as not having a Windows box regularly, my computer usually being a few years old (ah, the penniless student) and such.  I consider Crawl to be a very « modern » game; the interface and gameplay are very sophisticated. Nethack – now that’s old school. I don’t have anything for or against « new school » games in general; I just happen to like Crawl in particular.

Johanna : Being « old school » doesn’t bother me, at all. I grew up playing games like NetHack and Bomberman…

Eino : Ooh, Bomberman is so good.

Johanna : … and while I did play and enjoy more conventional games (such as the Zork or Myst series) the simplicity and replayability of those old games is something against they just cannot compare. In fact, the only thing I miss about only having Linux at the moment is that I can’t play my favourite text adventures because they are all Win-based.

Eino : Have you tried Wine? 🙂

I agree with Haran that DCSS is modern enough in presentation and interface to not to be « too » oldschool. Roguelikes are a timeless genre as far as gameplay/design goes, in my opinion. It is kind of
hard to go back to Nethack or ADOM, as Dungeon Crawl’s interface is so fluid nowadays.

I’m totally cool with old school games though, I’m a relaxed retrogaming enthusiast. I play new games too, but I’ve always been a couple of years behind the latest technology.. I’ve started playing
through some of the Playstation 1 & 2 catalog only a year or so ago, for example. 🙂

Do you feel connected with today’s gaming industry ? Do you follow it ? Would like to work as game developer ? Did you play Arkham Asylum ? Everybody is talking about it nowadays. The last two developers I interviewed raved about it !
Haran : (Never heard of Arkham Asylum, Wikipedia check…oh, requires gaming hardware or Windows. So no.)

I’ve never been part of the gaming industry and I don’t know much about it. It might be nice to work as a game developer; I’ve never tried it as a job. (To me, this is like « it might be nice to be an airplane pilot. »)
Johanna : I haven’t played AA, though the name rings a bell, if just faintly. I certainly don’t follow the gaming industry unless you count reading about new game releases in the newspaper from time to time. I still don’t know what I’ll be doing after graduation, but game developer? I don’t know, I guess it’s a possibility.

Eino : Same here. I do follow game industry somewhat, though I’m more interested in the indie gaming than mainstream gaming. I’m part of a start-up that grew from a student project, and I do aspire to be a professional game developer. There’s quite a bit of open source game (technology) development going on here in Oulu, actually.

One of my pet peeves is accessibility. I’d love to play Dwarf Fortress for example, but I’m afraid of the interface (you see, I can’t even use correctly a mailing list). Stone Soup is pretty accessible, but do you feel you still have a lot of work to do in that direction ? Do you think you could for exemple « hire » interface developers, artists, … ?

Haran : There’s been a lot of effort put into the DCSS interface. I don’t think there’s a *lot* of work to be done, but there’s always room for improvement. I don’t know anything about the art; I’ve always used ASCII and probably always will. (Heck, I read my e-mail on a 80×24 terminal, using gnus.) But it does seem to make DCSS more popular.

One interesting direction would be to make Crawl more playable on something like Android where keys are pretty limited. I honestly don’t know if any work has been done in that direction.
Eino : I think it would be interesting to see Crawl adapted to touch-screen machines. Actually, there’s a homebrew Nintendo DS port out there – as well as a Nintendo Wii version! Never seen either in action though.

Johanna : I know what you mean about DF. It does sound interesting but from what I’ve read about it I don’t think I’d like it. I was already aghast by Angband’s extensive screen to start a character, which is probably nothing compared to Dwarf Fortress.

Eino : Yeah, the embark screen is very intimidating when you don’t have a clue what you’d need. 🙂 Then again, Dwarf Fortress does have a rather beautiful amount of user-submitted help in the form of the Dwarf Fortress wiki. Some nice community productivity there. It’s a great game, doing a lot that mainstream games aren’t doing. The development itself is fun to follow, even though I haven’t played for months. When the new version comes, I’ll probably lose all sleep.. oh right, we are supposed to be talking about Crawl.
Johanna : But yeah, as quoted above, accessibility is one of Stonesoup’s major design goals. It’s often named as the roguelike with the best interface, and we’re very proud of that distinction and working hard to uphold that position. And yes, there’s still a lot of stuff that can be done to improve matters further, especially in the Tiles interface. You see, the advantage of the tiles version is that players can use the mouse to move around and handle equipment, but there are a lot of commands that still require typing, which is more of a hassle than it needs to be. Also, we’re aiming to make some of the more exotic but extremely useful options and commands more accessible, preferentially by automating their behaviour.
I’ve been describing the interface, but I’d like to mention that in my opinion accessibility also covers in-game documentation of game features (such as descriptions of monsters and items) and of course the tutorial, a playing mode that guides the new player through the first few dungeon
levels. Both of these are still far from perfect and continually getting improved.

As far as I remember, we’ve never actively « hired » anyone for outside work, but as previously stated, we get a lot of patches by volunteer coders, and most of Crawl’s graphics were created by two extremely talented Japanese tile artists, Denzi and Mitsuhiro Itakura.

About languages. I read in the survey report that a lot of users are native english speakers. Well, none of us are native english speakers… Do you think the game would benefit from translations ? Would that be easy to do ?

Johanna : Allowing players to play Crawl in their native language would be a huge benefit, but unfortunately it would not be easy. We’ve been outsourcing a lot of messages for monster speech, descriptions etc. but there’s still loads more buried in the code, and someone would have to translate it all. Even worse, seeing how Stonesoup is still getting developed (and quickly so) simply branching the game into a translated version wouldn’t do. Instead what I’d really like to see, are different folders of text files for the various languages and Crawl picking the correct one and reading in messages from there depending on an option or compile time flag. Once you’ve got the translated material in neatly ordered text files, it shouldn’t be too hard to do but the problem is getting there. Should any of your readers be willing to put in the effort for patching the code accordingly and translating the game, they’d get our complete support. 🙂

Haran : It would be nice if Crawl came in other languages, but it doesn’t feel like a high priority to me and it’s a ton of work, on two levels: actually translating all the text, and the fact that grammar is built into the code all over the place. There was a recent r.g.r.misc thread about translation and it’s not an easy thing.
Eino : Translation maintenance would be another example of a non-coding task in an OSS project. We’d likely need people in the team to do that to be able to officially support the translations, but if we had those, it probably wouldn’t be too much of a complication.

Do you feel there are lessons about life that can be learned playing  Roguelikes ?

Johanna : Eh? This question makes me think of NetHack’s fortune cookies, but I doubt
that’s what you’re talking about. Maybe that perseverence pays of? Really,
I haven’t got a clue.

Haran : Kill letters and pick up punctuation. 🙂

Eino : Life lessons, I’m not so sure. But « permadeath » is a cornerstone feature of roguelikes. If you die, you will need to start over again. Another cornerstone feature, procedural generation of content (such as the dungeons) makes each play different from another. That’s such a beautiful pair of features right there. Hmm. Not sure if this answers your question at all.

Ok, here’s where I’m coming from. I’m a crappy player, so I don’t really play them to win. I might not have the time or energy to play in a way that would make me better. I can have fun nonetheless.

Eino : This is a valid way to play. I used to play like this, and I still often do – not trying to maximize my chances to win, but to pick interesting combos and even roleplay a bit sometimes. In the community
(server, irc channel), the good/skilled/winning players are most active and vocal, so it’s important to be reminded that people get a kick out of the game even without winning. This was apparent in the
survey answers, if I recall correctly. I’m also reminded about Dwarf Fortress’ motto « Losing is fun! », which is sometimes very appropriate for Crawl too – losing is often an important learning experience,
because you quickly realize what you should have done differently to avoid dying.

I often feel videogames can have a meaning in the way they reveal some of our defaults. For example, I tend to think fast, which is probably useful, but can be very problematic when you really have to think hard. What I love about roguelikes is that just like in real life you only got one life, one chance… Almost every choice matters, even one you don’t expect to matter can lead to improbable circumstances : like meeting your future wife in a bus or saving your life with a scroll of invisibility, or something like that. And well, sometimes, you can do your best and still be fucked by life or the RNG… So yeah, the avatar in roguelikes feels more human to me than other videogames avatars.

In a way, each time I play Stone Soup I am reminded of the frailty of human life.

Eino : I think these thoughts are extremely valid. I think videogames are as much able to convey these kinds of things as any other art form, and indeed, videogames are an art form. I’m suppose I’m more focused on the medium than the meanings (hence my comment on the two mechanics
and their beauty), so it’s harder to dig up things like above. « I’m just playing a video game. » The bit about revealing our defaults sounds like a valuable viewpoint. Interactivity engages the players to act with the piece, so that is a good place to look at.

I guess we touched on that a bit before, but how do you feel knowing a lot of gamers would rather spend time playing Stone Soup instead of the  new shiny game ?

Johanna : Somehow, I don’t think that’s a problem! For us, anyway. 😀 Hmmm, for players, too, considering the price and quality of some games.

Looking at some major forums, roguelikes are pretty trendy, and DC : SS is one of the most popular. Do you feel you’re part of something special ?

Johanna : They are? Weren’t you just telling us how incredibly oldschool we are?

I certainly feel like I’m part of something special, that I’m playing an important part in creating something that people actually like to play, and having fun doing so. However, I don’t feel like I’m starting a trend or anything. To be honest, that question’s got me a bit baffled.

Haran : I do feel that DCSS is one of the best roguelikes around, and it makes me proud to be part of it.

Eino : I personally do have the feeling that the popularity of the game is growing, which is quite exciting to follow. But it’s quite a small-time game still.

I suck at roguelikes. Any general advice for me to get better ? (or maybe a secret code, promise, I won’t tell)

Johanna : Sorry, no secret codes. I think you should go online sometime and watch the experts play, that’d probably teach you more about tactics than anything I could ever explain.

Haran : 1. Don’t savescum. 🙂
2. Watch other players online.
3. Play online.
Eino : I have two things I try to keep in mind, which have helped me to actually win the damn game a couple of times – maybe there’s a life lesson somewhere in here:

1. It’s a turn-based game. So if you’re in a tight spot, it doesn’t
help if you start playing faster. Take your time to consider each move
and what possibilities you have at hand.

2. If you’re feeling bored and are playing carelessly, save and come back later.

Written by Martin Lefebvre

2 août 2010 à 16:57

7 Réponses

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  1. Woaaa…ça c’est du dossier! Vivement que j’ai une heure de libre pour m’y interesser de plus près.

    Du coup je suis curieux, tu le dis peut être dans l’article (et en ce cas je me sentirais bien piteux) mais : comment as tu réalisé cet interview de gens aux 4 coins du monde? Mail? Irc?…

    Pierrec

    6 août 2010 at 11:47

  2. L’interview a été réalisée par mails. Du coup il a fallu un peu de montage pour que ça fasse sens. Je pense que c’est encore la meilleure solution pour que les développeurs puissent développer leur pensée, via IRC je pense que c’est plus difficile.

    En plus si mon anglais écrit est correct, à l’oral je suis bien plus hésitant. 😀

    Martin Lefebvre

    6 août 2010 at 16:28

  3. excellent boulot en tout cas. Ca me donne envie de m’essayer aux entretiens, mais d’un autre côté j’ai bien trop la flemme…

    Bravo.

    Pierrec

    9 août 2010 at 20:42

  4. Tu devrais, c’est assez gratifiant même si la trad’ demande du boulot (enfin surtout pour ce genre de monstres à plus de 25 K), et généralement les indés sont plutôt accueillants. Enfin j’ai pas non plus fait des tonnes d’interviews, hein.

    En fait c’est en pigeant pour Chronic’art (expérience que je déconseille malgré tout) que je me suis forcé à interviewer. Mais je crois que même pour un blog ça peut être intéressant, surtout que pour quelqu’un qui suit de près les indés c’est assez facile d’avoir la primeur, en français ou même en anglais vu qu’il y a pas tant que ça de gens qui interviewent ces créateurs.

    Par contre j’ai une hantise des interviews en point presse torchés à la va-vite… ^^

    Martin Lefebvre

    10 août 2010 at 09:18

  5. Vraiment intéressant, cette interview !
    Chapeau bas.

    Concernant DCSS, ça semble carrément excellent.
    J’attend l’occasion de pouvoir y jouer en toute tranquilité pour m’y mettre vraiment. =)

    Sinon, dans le genre « rogue-like sans prise de tête, facile à prendre en main » il y a Mines of Elderlore (http://www.elderlore.com/) ! Bon alors c’est certainement moins complet que DCSS, mais ça reste bien sympathique (cependant je ne suis pas encore parvenu à le terminer, hein. Facile à prendre en main mais peut-être moins à maitriser) et en plus il y a aussi en option une version graphique.

    gravesang

    12 octobre 2010 at 13:34

  6. Ah oui moi si y’a pas de version tiles je peux pas, j’ai trop de mal à lire l’ASCII, et bon je suis déjà assez geek comme ça. ^^

    Ce que j’aimerais bien par contre c’est un bon RL portable. J’adore Shiren sur DS (d’ailleurs faudra que je reposte l’article que j’avais écrit), mais je choperais bien un truc sur iphone… Powder et Rogue sont pas super maniables, il paraît que 100 Rogues s’est amélioré mais il s’était fait descendre à sa sortie…

    Martin Lefebvre

    12 octobre 2010 at 18:44

  7. Héhé… =)
    Shiren sur DS… projet d’achat. ^^

    Sinon il y a bien quelques RL intéressants sur DS du côté des homebrews :
    -Powder (pas approfondi de mon côté, j’attends l’instant propice car ça a l’air d’être un gros morceau !)
    -Des portages de classiques comme Rogue, Hack et autres (avec tiles)
    -Peculiar Voyage: Escape from Cute (http://palib-dev.com/forum/index.php/topic,56.0.html) : une bonne surprise !

    Voilà, c’est tout ce que je connais (nintendomax.com à l’appui). Bon jeu ! (et si t’as des tuyaux…)

    gravesang

    14 octobre 2010 at 20:23


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