Posts Tagged ‘rpg’
Le château hanté
Moi c’est Martin, j’ai six ans. Bianca en a huit, et des couettes, mais je fais un pixel de plus qu’elle, sans doute parce que je ne quitte pas mon turban. Jusqu’à présent je voyageais avec Petros, mon papa. Une fois j’ai essayé de sortir dans la campagne tout seul, mais je me suis fait attaquer par des gluants et papa a dû venir me secourir. Mon papa est très costaud, et les gens le respectent. Mais parfois j’aimerais bien pouvoir tuer un monstre par moi-même.
Maître-artisan (Avadon, The Black Fortress)
Depuis plus de quinze ans, Jeff Vogel creuse son sillon, et bon an mal an programme, écrit et publie un ou deux RPG. Loin des budgets faramineux de Bioware ou de Bethesda, Vogel construit une œuvre artisanale, fidèle aux canons définis dans les années 90. Ses séries, Exile, Avernum, Geneforge, lui ont acquis un public fidèle, prêt à payer le prix (25$ l’épisode) malgré une production minimaliste, ce qui lui a permis de maintenir à flot Spiderweb, sa petite entreprise familiale. Avadon – The Black Fortress, premier volet d’une nouvelle saga, est une porte d’entrée idéale dans l’univers de Vogel, d’autant que celui-ci n’a jamais été aussi accessible. En améliorant notablement l’interface et les graphismes, en rendant son jeu disponible sur iPad à un prix plus doux, Vogel semble prêt à s’ouvrir à un plus large public, et à donner à son travail plus de visibilité. Ce qui ne serait pas volé, tant Avadon, non content de flatter notre nostalgie, est aussi un RPG diablement accompli.
Le gai maso (Shiren the Wanderer)
Entrez dans un magasin de jeu vidéo, de préférence une grande enseigne, dirigez-vous crânement vers le premier vendeur de dix-huit ans venu, et demandez-lui si Shiren est en stock. Un rogue-like, par l’équipe derrière Pokémon : Donjon Mystère, équipe de secours… Vous rougissez sans doute un peu. Ca fait toujours ça, un adulte qui parle de Pokémon. Non vraiment, il ne voit pas. Shiren The Wanderer, remake d’un classique de la SNES sorti au Japon en 1995, est arrivé en France dans le plus grand anonymat, et le rogue-like est un genre réservé aux plus déterminés des nerds.
Gentil bâtard (Divinity II Ego Draconis)
Quand j’arrive au petit pont sur la rivière, je suis pas beau à voir. Le mage gobelin m’a crêpé les cheveux façon barbecue avant que j’éteigne sa tribu, les hordes de squelettes sauvages m’ont mordu, griffé et un petit peu éviscéré, je pue de la gueule à force de m’être versé de longues rasades de vin, de potions au goût douteux, et de bière trappiste afin de regagner quelques gouttes d’énergie magique, et d’ailleurs les munitions manquent. Petit Poucet de la castagne, on me suit à la trace grâce aux cadavres pas tous biodégradables que je sème dans les bois. Bref, pas de l’excursion de petit joueur, tu repasseras pour les sensations bucoliques. Et là, cinématique, arrive un agent immobilier qui me propose d’acheter une maison pas cher dans le village du coin. Ca doit être la crise épique des subprimes dans la contrée. Mec, à cinquante mètres y’a une TOUR EN RUINES OU VIT UN MAGE DRAGON ZOMBIE, et le TEMPLE DU MAL MALEFIQUE DE LA NUIT ET SES HORDES DE ZELOTES est à quoi ? deux cent mètres à droite ? Quesse tu fais là ? Tu veux me vendre une maison ? Et puis quoi encore, une cheminée en pierre de taille et un monte-personne ? C’est que j’ai un univers à sauver moi.
Bûche glacée (Icewind Dale)
Et si ce qu’il y avait de mieux dans les fêtes de fin d’année, c’était leur lendemain ? Le sapin déjà un peu défraîchi, l’esprit de concorde rangé, les invités repartis. Plus d’histoires de Père Noël, les cadeaux traînent déballés. Tu te lèves pour aller piocher les restes dans le frigo. Petit déjeuner au foie gras, brunch au fond de champagne, et le morceau de bûche glacée dans le congélo. Le plaisir nu de s’en mettre une pleine lampée, voilà ce que te promet Icewind Dale. Développé par Black Isle, et publié en 2000 par Interplay, le jeu pourrait au premier abord passer pour l’idiot de famille, le dungeon crawler simpliste par rapport à ses glorieux cousins : Fallout, Baldur’s Gate, Planescape Torment… Pourtant, dix ans après sa sortie, son souffle givré est étonnamment vivifiant : dans la glacière s’est conservé un classique méconnu, le glacier a charrié un corps oublié ; frictionnons et tentons la décongélation.
La grosse bêta (Alpha Protocol)
Pendant une bonne demi-douzaine d’heures, le temps que démarre réellement Alpha Protocol, se demander ce qu’on fiche là : qui avait pu recommander ce machin ? Un Third person shooter de quatrième zone, ses mini-jeux agaçants, son jeune premier lisse et ses raclures de boss, son univers techno-thriller-militaristico-conspirationniste usé avant d’avoir servi… N’en jetons plus, ce n’est plus une ambulance, mais un tombereau destiné à conduire les responsables d’Obsidian en place de Grève avant la déportation en Nanaristan. A moins que…
Impasse évolutive (Le Temple du mal élémentaire)
Second des trois jeux développés par Troika, Le Temple du mal élémentaire (TOEE), sorti en 2003, est sans doute moins fameux qu’Arcanum et Vampire : The Masquerade — Bloodlines. C’est pourtant un fascinant jeu maudit, qui dès sa sortie est un dinosaure au carré : adaptation du mythique mais vieillot premier méga-module pour Donjons & Dragons, écrit en 1985 par Gary Gygax et Frank Mentzer, c’est aussi un des tous derniers jeux de rôles grand public en 2D, qui ambitionnait de reproduire fidèlement et au tour par tour le système du jeu de rôle sur table. Contrairement aux autres productions du studio, TOEE met de côté les ambitions narratives – encore que pour la petite histoire ce soit un des premiers jeux évoquant sans complexes une relation homosexuelle– pour privilégier la tactique et le système. Pétri de bugs à sa sortie, le jeu n’eut pas de descendance ; ne demeure aujourd’hui qu’un bancal mais fascinant monument du jeu de rôle occidental, une belle impasse évolutive.